Nicolas Peltier est CEO de
la société Anatole, qu’il a créée en 1999.
Anatole est un des leaders européens du Telecom Expense Management (TEM), une solution qui permet aux
entreprises de maîtriser au mieux leurs coûts télécoms.
Ce
pourrait juste être la chronique d’une société qui réussit. Mais à la faveur
d’un cheminement personnel, Nicolas
Peltier a décidé d’entamer une transformation en profondeur de son
entreprise : quand la quête de sens et la recherche d’un accomplissement
pour chacun des salariés deviennent des priorités.
Témoignage d’un chef
d’entreprise en mutation:
Qu’est-ce
qui vous a conduit à cette remise en question ?
Nicolas Peltier :
« C’est d’abord une histoire de maturation personnelle. A l’origine, un
évènement particulier s’est produit qui a déclenché ma prise de conscience. Collusion
du propre et du figuré. A force de
courir sans cesse, sans trop regarder autour de moi, je me suis trouvé en face
d’un mur et je m’y suis même heurté. J’ai ressenti alors l’urgence de ralentir
et de prendre le temps de me poser les bonnes questions. »
Comment
décririez-vous ce processus ?
Nicolas Peltier :
« J’ai compris que j’étais en quête de sens profond alors j’ai commencé à
rassembler les pièces du puzzle.
J’ai réalisé que quand la
course à la croissance et les objectifs de résultat net mènent la danse, ils
engendrent des situations contraires aux objectifs humains. C’est
particulièrement vrai pour les entreprises cotées qui font peser ces
contraintes sur leurs fournisseurs. Par ricochet tout le monde se retrouve dans
le même bain.
Tout est conçu pour un
maximum d’efficacité et le découpage des tâches sert ce processus. Il faut
produire sans s’arrêter et sans commettre d’erreur. Si l’on ne réussit pas avec
99% de succès, on est considéré comme incompétent. Plane toujours la menace
d’être remplacé par le suivant. Quand la finance est une fin au lieu d’être un
moyen cela génère des dérèglements et des souffrances. Les investisseurs financiers, si
compréhensifs soient-ils, obéissent à des règles. Je considère que la
responsabilité de cette situation est collective. Mais la conséquence, c’est
qu’on a des vies assez malheureuses au travail et, pire encore, que cette
course à la croissance se passe au détriment de la planète.
J’ai progressivement pris
conscience que tout cela n’avait vraiment aucun sens. Sauf à être cupide et
avide. Si l’objectif est d’accumuler le maximum d’argent, alors oui on est
aligné avec ce mode de fonctionnement. Mais ce n’est pas mon cas. »
Quel
étaient vos ambitions en créant votre
entreprise ?
Nicolas Peltier :
« Je considère la création d’entreprise comme une pierre à l’édifice de la
société. Et je me suis toujours demandé quelle pouvait être notre meilleure
contribution. La seule poursuite d’objectifs financiers ne me satisfait pas,
tout comme la perspective de ma rémunération ne m’a jamais permis de me lever le matin."
Quel
effet a eu votre prise de conscience sur le regard que vous portez sur votre
entreprise ?
Nicolas Peltier : « Ces
dysfonctionnements que j’ai constatés au niveau global, j’ai réalisé qu’ils
avaient des conséquences au niveau d’Anatole. Mais jusque-là je n’y avais pas
particulièrement prêté attention. Les aspects financiers, les objectifs de
croissance qui nous guidaient impactaient beaucoup nos décisions en termes de
priorités. Tout ça avait pour conséquence un certain manque de sens qui rendait les choses difficiles en termes
d’organisation et d’interaction des salariés.
En tant que chef
d’entreprise, je suis convaincu d’avoir une très grande responsabilité dans ce
qui se joue là, et je crois que rien ne peut changer vraiment sans prise de
conscience du dirigeant. C’est une étape clef. »
Au
fil de votre quête, quelles démarches avez-vous engagées ?
Nicolas Peltier :
« Je me demandais comment introduire en entreprise les ressorts qui
m’avaient conduit à une transformation personnelle. J’ai notamment rencontré Business
& Optimism en Belgique et j’ai participé à leurs ateliers. Au début, je ne
croyais pas aux vertus du partage d’expérience. C’est pourtant ce qui m’a fait
faire des bonds en avant. Cela me paraissait pourtant compliqué parce qu’en
France une telle démarche est plutôt innovante. Alors j’ai demandé à Laurence
Vanhee de Business & Optimism de nous accompagner. »
Qu’avez-vous
décidé pour Anatole ?
Nicolas Peltier :
« Nous devons répondre aux questions du « pourquoi ? »
-quel est le sens de ce que l’on fait ?- et aussi du
« comment ? » -notre façon de travailler répond-elle aux
aspirations de chacun -? Le chemin est aussi important que la finalité. Ce
projet doit prendre en compte notre impact écologique et l’épanouissement
de chacun, tout en en maintenant une équation globale : l’entreprise doit
être rentable pour continuer d’exister. L’interprétation financière reprend
alors sa place de simple outil de mesure des résultats, une règle du jeu comme
une autre. L’axiome de base, c’est l’humain et plus la performance financière.
Et la bonne nouvelle, c’est que quand on prend les choses à l’envers.. ou plutôt
je devrais dire quand on les remet à l’endroit, on constate des améliorations
énormes. Sur tous les plans, et en particulier financier. »
Concrètement,
comment cela se traduit-il ?
Nicolas Peltier : «Le
projet est baptisé « Happy Anatole » c’est un choix qui a été fait à
dessein, pour inviter les gens à réagir. Nous avons commencé à utiliser Yammer
(équivalent de Facebook intra entreprise ndlr). J’y ai créé un groupe qui porte
le nom de Happy Anatole et dans lequel j’explique les objectifs du projet de
transformation, ses origines et ses intentions, comme je viens de le faire avec
vous. Et ce réseau social interne a vraiment engendré de nouvelles
possibilités. Tout le monde peut s’impliquer, participer et partager des idées
au moment où il le choisit.
Laurence Vanhee, forte de son
expérience, est intervenue
pour nous aider à décliner le projet.
Elle a rencontré un certain nombre de salariés (managers ou non) qui
avaient manifesté de l’intérêt pour le projet. Laurence a pu constater d’une
part que le sujet résonnait profondément mais aussi qu’il existait de
nombreuses tensions fonctionnelles, de contradictions et de frottements dans
l’organisation et qu’il n’y avait pas d’alignement en termes de visions.
Le premier travail a
consisté à mettre à plat la stratégie de l’entreprise, pas en vue de réaliser
15% de résultats nets, mais en termes de sens : où voulons nous aller et
comment, en appliquant quelles règles du jeu. Nous avons instauré un groupe de
travail composé de managers qui planchent sur le sujet. A chaque étape, ils
partagent ensuite leurs avancées sur Yammer et chacun peut réagir et
contribuer.
Etes-vous
prêt à accepter tous les changements qui vont découler de cette démarche ?
Y compris en termes de mode de management ?
Nicolas Peltier :
« S’il y a bien une chose dont je suis sûr, c’est que je suis prêt à
tout ! Bien sûr on ne changera pas tout du jour au lendemain. La route est
encore longue avant que l’on ait pu définir comment ces changements vont
pouvoir se décliner pour chacun. On parle à minima de plusieurs mois et peut
être pour certains sujets de plusieurs années. Mais ce qui est sûr je ne me
suis fixé aucune limite. On est tellement prisonnier de nos limites, qui
sont largement créatrices de problèmes!!! »
Quid des résistances que vous rencontrez chez vos salariés ?
Pour le moment on a
soulevé plus de questions que de réponses mais je ressens l’évolution d’une
prise de conscience chez tout le monde. Chacun a une façon de voir les choses
ce qui entraine bien sûr des résistances,
et puis il y a des sujets de fond qu’on n’a pas encore abordés. Et ces
transformations en cours impactent nécessairement le fonctionnement personnel de chacun et peuvent entrainer des
grosses remises en question sur tous les plans, du management à l’organisation
en passant par l’évaluation. Il est donc
indispensable de nous préparer à cela. Nous avons entamé un travail d’analyse
personnelle à l’aide du MBTI (test psychologique).
On avance étape par étape.
Mais l’enjeu est que, in fine, chacun ait une vision d’ensemble et la
perception de son impact sur le tout.
Comment
vivez- vous ce qui se passe là ?
Je suis heureux.
Propos recueillis le 5
Février 2013
Posté par Christine Cayré B&O France
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